Page:About - La vieille roche : 1ère partie, le mari imprévu.djvu/10

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mais, je dois l’avouer, si la baronnie de Saint-Génin s’était conservée jusqu’en 1854, c’était par la toute bonté de nos rois qui transférèrent le titre et le nom à cinq ou six maisons différentes. Cependant, comme il existe peu de familles nobles qui ne se soient perpétuées par le même moyen, le jeune et brave Lambert était bien convaincu qu’il avait arrosé de son sang la terre de Palestine.

On n’avait pourtant pas oublié de lui dire que son bisaïeul, M. Patureau, fermier général sous Louis XV, avait donné cent mille écus comptants pour s’introduire, par une sorte d’avatar, dans la peau d’un Satnt-Génin trépassé. Mais comme 93 avait passé sur cette incarnation à la mode indienne, comme un Patureau s’était laissé couper la tête avec la bravoure héréditaire des Saint-Génin, comme un autre avait vaillamment servi contre la patrie dans l’armée de l’émigration, Lambert croyait à sa noblesse comme à son existence. Il se sentait supérieur en quelque chose aux neuf cent quatre-vingt-dix-neuf millièmes de ses concitoyens. Au demeurant, le plus modeste des hommes toujours prêt à rendre justice au talent des écrivains, des généraux, des artistes, de quiconque se signalait par une supériorité personnelle, il s’inclinait franchement devant eux et ne leur marchandait pas l’hommage que vous ou moi, lecteur, nous accordons à l’Hercule de la foire, lorsqu’il porte cent kilogrammes à bras tendu.

Le nom de fainéant, lancé par un charretier à un autre, est une injure grave ; l’épithète d’ignorant