Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/118

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temps. Je sens que ma tête est faible, et que la raison pourrait déménager avant la fin du mois. »

Quant à mon malheureux père, je n’eus garde de lui dire à quelle enseigne j’étais logé. À quoi bon lui mettre la mort dans l’âme en lui montrant les dangers auxquels il ne pouvait me soustraire ? Je lui écrivis, comme le premier de chaque mois, que je me portais bien et que je souhaitais que ma lettre trouvât la famille en bonne santé. J’ajoutai que je voyageais dans la montagne, que j’avais découvert la Boryana variabilis et une jeune Anglaise plus belle et plus riche que la princesse Ypsoff, de romanesque mémoire. Je n’étais pas encore parvenu à lui inspirer de l’amour, faute de circonstances favorables ; mais je trouverais peut-être sous peu l’occasion de lui rendre quelque grand service ou de me montrer devant elle dans l’habit irrésistible de mon oncle Rosenthaler. « Cependant, ajoutai-je avec un sentiment de tristesse invincible, qui sait si je ne mourrai pas garçon ? Alors, ce serait à Frantz ou à Jean-Nicolas de faire la fortune de la famille. Ma santé est plus florissante que jamais, et mes forces ne sont pas encore entamées ; mais la Grèce est un traître de pays qui a bon marché de l’homme le plus vigoureux. Si j’étais condamné à ne jamais revoir l’Allemagne et à finir ici, par quelque coup imprévu, au terme de mon voyage et de mes travaux, croyez bien, cher et excellent père, que mon dernier regret serait de m’éteindre loin de ma famille, et que ma dernière pensée s’envolerait vers vous. »

Hadgi-Stavros survint au moment où j’essuyais une larme, et je crois que cette marque de faiblesse me fit tort dans son estime.