Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/149

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tout à présent, mais dites si vous m’avez rien appris !

— Mon Dieu, madame, j’ai dit ce que je savais, j’ai fait ce que je pouvais.

— Mais, Allemand que vous êtes ! à votre place, un Anglais se serait fait tuer pour nous, et je lui aurais donné la main de ma fille ! »

Les coquelicots sont bien rouges, mais je le fus davantage en entendant l’exclamation de Mme  Simons. Je me sentis si troublé que je n’osais ni lever les yeux, ni répondre, ni demander à la chère dame ce qu’elle entendait par ces paroles. Car, enfin, comment une personne aussi raide avait-elle été amenée à tenir un pareil langage devant sa fille et devant moi ? Par quelle porte cette idée de mariage avait-elle pu entrer dans son esprit ? Mme Simons était-elle vraiment femme à décerner sa fille comme récompense honnête au premier libérateur venu ? Il n’y avait pas apparence. N’était-ce pas plutôt une sanglante ironie à l’adresse de mes pensées les plus secrètes ?

Quand je descendais en moi, je constatais avec un légitime orgueil la tiédeur innocente de tous mes sentiments. Je me rendais cette justice, que le feu des passions n’avait pas élevé d’un degré la température de mon cœur. À chaque instant du jour, pour me sonder moi-même, je m’exerçais à penser à Mary-Ann. Je m’étudiais à construire des châteaux en Espagne dont elle était la châtelaine. Je fabriquais des romans dont elle était l’héroïne et moi le héros. Je supposais à plaisir les circonstances les plus absurdes. J’imaginais des événements aussi invraisemblables que l’histoire de la princesse Ypsoff et du lieutenant Reynauld. J’allais jusqu’à me représenter la jolie