Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le fond du cœur. Si une âme charitable m’avait offert de me brûler la cervelle, j’y aurais regardé à deux fois.

Quatre brigands me prirent par la tête et par les jambes, et me portèrent, comme un paquet hurlant, à travers le Cabinet du Roi. Ma voix réveilla Sophoclis sur son grabat. Il appela ses compagnons, se fit conter les nouvelles, et demanda à me voir de près. C’était un caprice de malade. On me jeta par terre à ses côtés.

« Milord, me dit-il, nous sommes bien bas l’un et l’autre ; mais il y a gros à parier que je me relèverai plus tôt que vous. Il paraît qu’on songe déjà à me donner un successeur. Que les hommes sont injustes ! Ma place est au concours ! Eh bien, je veux concourir aussi et me mettre sur les rangs. Vous déposerez en ma faveur, et vous attesterez par vos gémissements que Sophoclis n’est pas mort. On va vous attacher les quatre membres, et je me charge de vous tourmenter d’une seule main aussi gaillardement que le plus valide de ces messieurs. »

Pour complaire au misérable, on me lia les bras. Il se fit tourner vers moi et commença à m’arracher les cheveux, un à un, avec la patience et la régularité d’une épileuse de profession. Quand je vis à quoi se réduisait ce nouveau supplice, je crus que le blessé, touché, de ma misère et attendri par ses propres souffrances, avait voulu me dérober à ses camarades et m’accorder une heure de répit. L’extraction d’un cheveu n’est pas aussi douloureuse, à beaucoup près, qu’une piqûre d’épingle. Les vingt premiers partirent l’un après l’autre sans me laisser de regret, et je leur souhaitai cordialement un bon