Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/216

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— La fille du Roi des montagnes était donc cette pensionnaire au nez aplati qui soupirait pour John Harris ! »

J’en conclus tout bas que l’enlèvement s’était opéré sans violence.

Le chiboudgi revint avec un paquet de toile et un flacon rempli d’une pommade jaunâtre. Le Roi pansa mes deux pieds en praticien expérimenté, et j’éprouvai sur l’heure un certain soulagement. Hadgi-Stavros était en ce moment un beau sujet d’étude psychologique. Il y avait autant de brutalité dans ses yeux que de délicatesse dans ses mains. Il enroulait si doucement les bandes autour de mon cou-de-pied, que je le sentais à peine ; mais son regard disait tout haut : « Que je te serrerais bien une corde autour du cou ! » Il piquait les épingles aussi adroitement qu’une femme ; mais de quel appétit il m’aurait planté son cangiar au milieu du corps !

Lorsque l’appareil fut posé, il tendit le poing du côté de la mer ; et dit avec un rugissement sauvage :

« Je ne suis donc plus Roi, puisqu’il m’est défendu d’assouvir ma colère ! Moi qui ai toujours commandé, j’obéis à une menace ! Celui qui fait trembler un million d’hommes a peur ! Ils se vanteront sans doute ; il le diront à tout le monde. Le moyen d’imposer silence à ces Européens bavards ! On mettra cela dans les journaux, peut-être même dans les livres. C’est bien fait ! Pourquoi me suis-je marié ? Est-ce qu’un homme comme moi devrait avoir des enfants ? Je suis né pour hacher des soldats, et non pour bercer des petites filles. Le tonnerre n’a pas d’enfants ; le canon n’a pas d’enfants. S’ils en avaient, on ne craindrait plus