Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/26

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ne trouva pas une parole de blâme pour les meurtriers. « Que voulez-vous ? disait-il avec une charmante bonhomie : c’est leur état. » Tous les Grecs sont un peu de l’avis de notre hôte. Ce n’est pas que les brigands épargnent leurs compatriotes et réservent leurs rigueurs pour les étrangers ; mais un Grec dépouillé par ses frères se dit, avec une certaine résignation, que son argent ne sort pas de la famille. La population se voit piller par les brigands comme une femme du peuple se sent battre par son mari, en admirant comme il frappe bien. Les moralistes indigènes se plaignent de tous les excès commis dans la campagne comme un père déplore les fredaines de son fils. On le gronde tout haut, on l’aime tout bas ; on serait bien fâché qu’il ressemblât au fils du voisin, qui n’a jamais fait parler de lui.

C’est un fait tellement vrai, qu’à l’époque de mon arrivée le héros d’Athènes était précisément le fléau de l’Attique. Dans les salons et dans les cafés, chez les barbiers où se réunit le petit peuple, chez les pharmaciens où s’assemble la bourgeoisie, dans les rues bourbeuses du bazar, au carrefour poudreux de la Belle-Grèce, au théâtre, à la musique du dimanche et sur la route de Patissia, on ne parlait que du grand Hadgi-Stavros, on ne jurait que par Hadgi-Stavros ; Hadgi-Stavros l’invincible, Hadgi-Stavros l’effroi des gendarmes ; Hadgi-Stavros le roi des montagnes ! On aurait pu faire (Dieu me pardonne !) les litanies d’Hadgi-Stavros.

Un dimanche que John Harris dînait avec nous, c’était peu de temps après son aventure, je mis le bon Christodule sur le chapitre d’Hadgi-Stavros. Notre hôte l’avait beaucoup fréquenté autrefois,