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CHAPITRE III

MARY-ANN


Les études de ma jeunesse ont développé en moi une passion qui a fini par empiéter sur toutes les autres : c’est le désir de savoir, ou, si vous aimez mieux l’appeler autrement, la curiosité. Jusqu’au jour où je partis pour Athènes, mon seul plaisir avait été d’apprendre ; mon seul chagrin, d’ignorer. J’aimais la science comme une maîtresse, et personne n’était encore venu lui disputer mon cœur. En revanche, il faut convenir que je n’étais pas tendre, et que la poésie et Hermann Schultz entraient rarement par la même porte. Je me promenais dans le monde comme dans un vaste muséum, la loupe à la main. J’observais les plaisirs et les souffrances d’autrui comme des faits dignes d’étude, mais indignes d’envie ou de pitié. Je ne jalousais pas plus un heureux ménage qu’un couple de palmiers mariés par le vent ; j’avais juste autant de compassion pour un cœur déchiré par l’amour que pour un géranium grillé par la gelée. Quand on a disséqué des animaux vivants, on n’est plus guère sensible aux cris de la chair palpitante. J’aurais été bon public dans un combat de gladiateurs.

L’amour de Photini pour John Harris eût apitoyé tout autre qu’un naturaliste. La pauvre créature aimait à tort et à travers, suivant la belle expression d’Henri IV ; et il était évident qu’elle aimerait en pure perte. Elle était trop timide pour