Page:About - Le Roi des montagnes.djvu/74

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longues moustaches blanches pendaient sous le menton comme deux stalactites de marbre. Le reste du visage était scrupuleusement rasé, le crâne nu jusqu’à l’occiput, où une grande tresse de cheveux blancs s’enroulait sous le bonnet. L’expression de ses traits me parut calme et réfléchie. Une paire de petits yeux bleu clair et un menton carré annonçaient une volonté inébranlable. Sa figure était longue, et la disposition des rides l’allongeait encore. Tous les plis du front se brisaient par le milieu et semblaient se diriger vers la rencontre des sourcils ; deux sillons larges et profonds descendaient perpendiculairement à la commissure des lèvres, comme si le poids des moustaches eût entraîné les muscles de la face. J’ai vu bon nombre de septuagénaires ; j’en ai même disséqué un qui aurait attrapé la centaine si la diligence d’Osnabruck ne lui eût passé sur le corps ; mais je ne me souviens pas d’avoir observé une vieillesse plus verte et plus robuste que celle d’Hadgi-Stavros.

Il portait l’habit de Tino et de toutes les îles de l’Archipel. Son bonnet rouge formait un large pli à sa base autour du front. Il avait la veste de drap noir, soutachée de soie noire, l’immense pantalon bleu qui absorbe plus de vingt mètres de cotonnade, et les grandes bottes en cuir de Russie, souple et solide. La seule richesse de son costume était une ceinture brodée d’or et de pierreries, qui pouvait valoir deux ou trois mille francs. Elle enserrait dans ses plis une bourse de cachemire brodée, un cangiar de Damas dans un fourreau d’argent, un long pistolet monté en or et en rubis, et la baguette assortissante.

Immobile au milieu de ses employés, Hadgi-