LES JUMEAUX DE L’HÔTEL CORNEILLE.\t5 homme Patience ou des tessons de la Bessonière. Son âme simple et sérieuse cheminait en rêvant dans le sillon rougeâtre des charrues, dans les sentiers bordés de bruyères ou sous les grands châtaigniers qui ombragent la mare au Diable. L’esprit remuant de Léonce suivait des chemins tout différents. Cu¬ rieux de sonder les mystères de la vie parisienne, avide de plaisir, de lumière et de bruit, il aspirait dans les romans de Balzac un air enivrant comme le parfum des serres chaudes. Il suivait d’un œil ébloui les fortunes étranges des Rubempré, des Rastignac, des Henri de Marsay. Il entrait dans leurs habits, il se glissait dans leur monde, il assistait à leurs duels, à leurs amours, à leurs entreprises, à leurs victoires ; il triomphait avec eux. Puis il venait se regarder dans la glace. « Etaient-ils mieux que moi? Est-ce que je ne les vaux pas? Qu’est-ce qui m’empêcherait de réussir comme eux ? J’ai leur beauté, leur esprit, une instruction qu’ils n’ont jamais eue, et, ce qui vaut mieux encore, le sentiment du devoir. J’ai appris dès le collège La distinction du bien et du mal. Je serai un de Marsay moins les vices, un Rubempré sans Vautrin, un Rastignac scrupuleux : quel avenir! toutes les jouissances du plaisir et tout l’orgueil de la vertu! » Quand les deux frères, l’œil fermé à demi, interrompaient leur lecture pour écouter quelques voix intérieures, on pouvait dire à coup sûr que Léonce entendait le tintement des millions de Nucin-
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