Page:About - Les mariages de Paris, 1856.djvu/19

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LES JUMEAUX DE L'HÔTEL CORNEILLE.\t13 gros et si gras ! La maison était si belle, les lits si moelleux, la table si plantureuse! — J’ai peut-être oublié de vous dire que Mathieu mangeait pour deux. -— « Sais-tu la seule chose qui m’ait attristé? m’é¬ crivait-il en post-scriptum. Je te l’avouerai, quand tu devrais te moquer de moi. Il y a dans la maison de mon oncle deux grandes paresseuses de chambres, bien parquetées, bien aérées, bien meub ées, et qui ne servent à personne. Je suis sûr que mon oncle les louerait pour rien à une honnête famille qui vou¬ drait les prendre. Et l’on paye cent francs par an pour habiter la rue Traversine î » Mathieu revint au mois d’octobre, et enleva, haut la main, son diplôme de licencié ès lettres. Les notes des examinateurs lui furent si favorables qu’on lui offrit la chaire de quatrième au lycée de Chaumont. Mais il ne put se décider à quitter son frère et Paris. Il me donnait de temps en temps des nouvelles de la rue Traversine : Mme Bourgade était souffrante. Vous ne vous rendrez bien compte de l’intérêt qu’il por¬ tait à ses protégées invisibles que si je vous initie au grand secret de sa jeunesse : il n’avait encore aimé personne. Comme ses camarades ne lui avaient pas ménagé les plaisanteries sur sa laideur, il était mo¬ deste au point de se regarder comme un monstre. Si Ton avait essayé de lui dire qu’une -femme pouvait l’aimer tel qu’il était, il aurait cru qu’on se moquait de lui. Il rêvait quelquefois qu’une fée le frappait de