LE BUSTE.\t203 pour l’ambassadeur d’Espagne. Je reçus la visite d’un homme de mon pays et de mon âge, un camarade d’école, appelé Cambier. Il était venu à Paris pour écrire; mais il n’écrivait guère, ou il écrivait mal. Il rédigeait un journal appelé la Feuille de , /im¬ partial de la parfumerie, je ne sais plus au juste. Toujours est-il que le pauvre diable avait souvent besoin de cent sous. Il portait, au mois de janvier, une jaquette laine et coton de la Belle-Jardinière, avec un chapeau gris à poils hérissés. Il rencontra dans mon atelier une juive appelée Coralie, qui pose la tête et les mains. Elle est vraiment belle, et elle se conduit bien ; elle demeure avec sa tante dans ces environs-ci, rue Mouffetard. Ce Cambier la regarda . pendant une demi-heure comme un hébété ; lorsqu’elle sortit, me fit toutes sortes de questions sur elle. Il n avait jamais rien vu d’aussi beau ; c’était la femme qu’il avait rêvée ; il l’attendait depuis dix ans ! Il me demanda son nom ; il chercha son adresse sur l’ar¬ doise où j’inscris mes modèles ; il voulait la revoir à tout prix. Il était capable de la demander en mariage et de confondre deux misères en une. Je l’avertis qu’i i serait probablement mal reçu, parce que la tante vivait de sa nièce et ne songeait pas à la marier. Alors il me supplia de la faire venir chez moi pour poser, quand même je n’en aurais pas besoin : le malheureux offrait de payer les séances! Je ne fis pas grande attention aux sottises qu’il dit ; il avait