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Page:About - Les mariages de Paris, 1856.djvu/231

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LE BUSTE.\t225 voulut venir avec ses chevaux lorrains, braves bêtes d’ailleurs, et qui faisaient fièrement leurs dix lieues à la journée. Cette berline de renfort n’arriva pas avant Je 12 juillet, quand M. Lefébure était le poursuivant déclaré de Mlle Lerambert, et que Daniel, choyé ten¬ drement par Mme Michaud, mettait la dernière main à son plâtre. L’artiste n’avait remarqué ni le refroidissement ra¬ pide de M. Lefébure, ni la joie que Victorine et sa tante en avaient éprouvée, ni ses attentions retour¬ nées vers la fille du banquier, ni le regret du marquis de Guéblan, ni le triomphe de M. de Marsal : il n’a¬ vait vu que son buste, l’échéance et quinze cents francs. Rien n’avait pu le distraire, pas même les re¬ gards de Victorine qu’il n’avait pas remarqués, et ses demi-mots qu’il n’avait pas compris. Les attentions de Mme Michaud lui avaient été au cœur : il ne dou¬ tait pas qu’une personne si bienveillante ne lui ac¬ cordât l’avance dont il avait besoin. Plein de cette confiance, il avait hâté sa besogne et achevé, en douze séances, une œuvre remarquable. Les artistes ne réussissent jamais mieux que sous le fouet de la né¬ cessité : voilà pourquoi les millionnaires sont rare¬ ment de grands artistes. Ceux qui le voyaient tra¬ vailler avec tant de cœur se disaient à l’oreille : « Comme il aime ! On prétend qup Phidias, lors¬ qu’il fit la Minerve d’ivoire et d’or, était amoureux de son modèle. Qui aurait pu prévoir que la première