Page:About - Les mariages de Paris, 1856.djvu/87

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l'oncle et le NEVEU.\t81 On reconnut qu’il était fou, et l’on courut cher¬ cher son oncle Morlot au faubourg Saint-Antoine. L’oncle Morlot était le plus honnête homme de la rue de Charonne, qui est une des plus longues de Paris. Ü fabriquait des meubles anciens avec un ta¬ lent ordinaire et une conscience extraordinaire. Ce n’est pas lui qui aurait donné du poirier noirci pour de l’ébène, ou livré un bahut de sa fabrique pour un meuble du moyen âge ! Et cependant il possédait, tout comme un autre, l’art de fendiller le bois neuf et de simuler des piqûres de vers, dont les vers étaient innocents. Mais il avait pour principe et pour loi de ne faire tort à personne. Par une modération presque absurde dans les industries de luxe, il limitait ses bénéfices à cinq pour cent en sus des frais généraux de sa maison. Aussi avait-il gagné plus d’estime que d’argent. Lorsqu’il écrivait une facture, il recommen¬ çait l’addition jusqu’à trois fois, tant il avait peur de se tromper à son profit. Après trente ans de ce commerce, il était à peu près aussi riche qu’en sortant d’apprentissage; il avait gagné sa vie comme le plus humble de ses ou¬ vriers, et il se demandait avec un peu de jalousie comment M, Thomas s’y était pris pour amasser des rentes. Si son beau-frère le regardait d’un peu haut, pr avec la vanité des parvenus, il le regardait de bien plus haut encore, avec l’orgueil d’un homme qui n’a pas voulu parvenir. Il se drapait superbement dans sa 336\ts