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Page:About - Maître Pierre, 1859.djvu/9

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France. Sa population est plus nombreuse que sous Louis XVI ; le monument du port, l’entrée et la sortie des navires, le chiffre des affaires, tout a augmenté. Cependant, la ville n’a pas gagné tout ce qu’elle se promettait. Les vastes constructions élevées sous Louis XVI dans l’attente d’un peuple immense ne se sont pas remplies ; il reste des vides à combler, tandis que le Havre, qui n’était rien il y a cinquante ans, fait craquer ses murailles trop étroites. Les chantiers du Havre construisent presque autant de navires que ceux de Bordeaux. En 1856, Bordeaux a chargé et déchargé un million de tonneaux ; le Havre, deux. Aussi les Bordelais, lorsqu’ils se comparent à leurs rivaux, s’accusent de décadence. Ils croient marcher en arrière, parce que l’on court à côté d’eux. C’est une erreur d’optique assez difficile à éviter. Quand deux trains marchent parallèlement sur un chemin de fer avec une vitesse inégale, les voyageurs qui avancent moins vite s’imaginent qu’on les traîne à reculons.

Pourquoi le Havre a-t-il laissé Bordeaux derrière lui ? Pour bien des raisons. Parce que le Havre est plus près de Paris ; parce que nous commençons à fréquenter l’Angleterre ; parce que l’Amérique du Nord a pris le pas sur l’Amérique du Sud ; peut-être aussi parce que le Havre se pousse et que Bordeaux se laisse aller. Les villes ont leurs jours d’abandon et de découragement, comme les hommes.