Page:About - Rome contemporaine.djvu/10

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sants nous ont fait : l’aridité du sol, la malpropreté des rues, l’infection du port, la grossièreté des hommes. Le Marseillais pour rire est une sorte de macaque bourru qui mange de l’ail, épure des huiles, vend des nègres et tutoie tout le monde. Pourquoi ce ridicule est-il échu au peuple le plus actif et le plus intéressant qui soit en France ? Pourquoi les descendants les plus directs de l’ancienne Grèce servent-ils de plastron aux Athéniens de Paris ? Pourquoi tous ces menus crimes de lèse-majesté contre la reine de la Méditerranée ? Pourquoi ? pourquoi ? pourquoi ?

Parce que Marseille a fourni aux journaux de Paris une douzaine de rédacteurs malins qui nous ont fait un peu trop spirituellement les honneurs de leur pays. Je ne parle ni de M. Amédée Achard, ni de M. Méry, ni de M. Louis Reybaud, ni de M. Léon Gozlan, ni de ceux qui étaient assez riches de leur propre fonds pour laisser Marseille en paix. Mais après l’émigration des princes est venue l’émigration des peuples. Toutes les fois qu’un petit Provençal frétillant d’ambition, vide d’idées, débarque dans les bureaux d’un petit journal, son article de début est tout trouvé : la Canebière ! Les premiers ont plaisanté, les suivants ont enchéri ; le comique a fait place au bouffon, le bouffon au grotesque, et Marseille a reçu des mains de ses enfants cinq ou six couches de ridicule qui ne s’effaceront pas en un jour. Elle s’en console en disant : c’est ma faute ; je ne serais pas ridicule si je n’avais pas fait tous ces hommes d’esprit.

Pour ma part, je l’avoue humblement, Marseille ne m’a pas fait rire. C’est un spectacle qui donne à penser. Pour peu qu’on s’intéresse à l’avenir de la France, on observe avec une curiosité passionnée cette ville vivante