Page:About - Rome contemporaine.djvu/91

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J’ai quitté la place Montanara pour faire une visite au Ghetto ; mais ne me demandez pas quel chemin j’ai suivi. Je vous ai prévenu que je ne savais jamais mon chemin. Je me doute que la place Farnèse est assez proche de la chancellerie, où tomba le pauvre comte Rossi. Je crois être sûr que la place Montanara est à peu près au pied de la roche Tarpéienne ; le Ghetto longe le Tibre quelque part : il y a fort peu de rues droites dans Rome, excepté entre le Cours (Corso) et la place d’Espagne. Tous les alignements sont en zigzag, et il faudrait démolir la moitié de la ville pour y tracer une rue de Rivoli. Le Tibre, qui n’a point de quais, serpente si capricieusement, qu’on le rencontre partout. On aperçoit son eau jaune, ici à travers une porte, là par l’embrasure d’une fenêtre. Vous croyez lui avoir tourné le dos ! point, il est là, devant vous. Cherchez une barque ou un pont, l’un et l’autre se trouvent.

Grâce au système que je pratique, j’emploie souvent une demi-journée à découvrir la maison où j’ai affaire, mais les rencontres de la route compensent le temps perdu. Ce qui fait que Rome est la plus aimable ville du monde et la meilleure à habiter, c’est qu’on y trouve toujours du nouveau. Les vieillards de cent ans qui n’en sont jamais sortis y font des découvertes à leur porte. La complication des chemins, le mystère des quartiers ajoutent à chaque trouvaille le charme de l’imprévu. Je commence à goûter cette friandise romaine qu’on appelle l’incertain. L’incertitude est ici le grand ressort des hommes : combien y en a-t-il qui n’agissent que dans l’espérance de l’incertain ! Un domestique aime mieux laisser retrancher cent francs sur ses gages de l’année que de renoncer aux quarante ou cinquante francs de