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DES BEAUX-ARTS.

collections particulières, et l’on assure que par delà le détroit ces petits meubles se payent vingt-cinq et cinquante mille francs. Et maintenant, qu’on ose médire du commerce et de l’industrie !

Chaque pays a ses mœurs : voyez le livret. En France, M. un tel, peintre de talent, a obtenu une troisième médaille en 1810, une deuxième médaille en 1820, une première médaille en 1830 et la croix en 1840. En Allemagne, un grand artiste, lorsqu’il s’en trouve, devient membre de plusieurs académies, chevalier de plusieurs ordres et quelquefois conseiller. La dernière fin de l’art est l’Aigle rouge de troisième classe avec le nœud. Un bon peintre n’y est pas toujours riche, mais il est toujours décoré ; il peut manquer d’habits, mais non de rubans. Les décorations sont les fruits que portent tous les Allemands cultivés.

Il en est autrement en Angleterre. Les artistes anglais se soucient assez peu de ces petits rubans moirés, qui prouvent qu’un homme de quarante ans a été bien sage. En revanche, ils estiment la fortune et ils ont horreur de mourir de faim. Le public les sert à souhait et les paye de la monnaie qu’ils préfèrent. On leur donne des bank-notes pour mentions honorables, et pour médailles des guinées. Parmi les peintres anglais qui ont envoyé leurs ouvrages à Paris, on compte plusieurs millionnaires. Je pourrais les citer par leurs noms, mais je m’en garderai bien : cela serait signaler leurs ouvrages à la sévérité des critiques et à l’admiration des badauds.

Le talent des artistes anglais est-il à la hauteur de leur fortune ? et n’y a-t-il pas un peu de patriotisme