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moi, aucun objet extérieur que je vois dans le moment donné, parce que je le vois comme objet ; je ne suis pas mon organisme, parce que j’aperçois et j’examine cet organisme comme objet ; je ne suis aucune représentation, ni sentiment, ni concept qui remplit ma conscience dans un moment donné, parce que je les aperçois comme étant mes états psychiques, quoique dans ma conscience il n’y ait rien d’autre que la série de ces états, se développant dans une course indéterminable ; je ne suis ni la douleur, ni la volupté, ni le désir ; j’accompagne tout, mais je ne suis rien, que ce « moi » seulement, pour qui je n’ai besoin d’aucune explication, car il m’est connu et clair au-dessus de toute définition. — S’opposant à tous les phénomènes, il est par cela même insaisissable pour la pensée, fuyant sans cesse devant toutes ses formes, ne se laissant captiver dans aucune notion. Quand j’y pense, ce n’est plus le « moi » propre qui constitue l’objet de ma pensée, mais seulement un certain concept philosophique ; le « moi » propre, lorsque nous voulons le saisir par la pensée, se transporte aussitôt sur le pôle négatif du phénomène, occupe le côté actif et aperçoit lui-même son fantôme conceptuel, ainsi qu’un œil qui ne peut voir que son image réfléchie dans un miroir, mais jamais soi-même. — Accompagnant des changements continuels, notre « moi », lui-même, conserve son invariable continuité, car, étant la négation de toutes les qualités, il ne peut point éprouver de changements, étant négation de tout, il reste toujours le même, un rien phénoménal. Depuis le commencement jusqu’à la fin de la vie tout change : le caractère, les idées, les impressions, le milieu ambiant, l’organisme, les forces, les désirs ; depuis l’enfance jusqu’à la mort, je passe par toute une série de personnalités, physiquement et psychiquement différentes ; néanmoins, malgré tout cela, je reste toujours moi-même ; sous le masque des plus grands changements de la vie, la continuité de notre « moi » reste inaltérée, unit toutes ces personnalités les plus contradictoires, ce qui fait que dans l’enfant et dans le vieillard, dans la santé et la maladie, dans la riche impressionnabilité de la jeunesse et dans l’hébètement ultérieur, je retrouve toujours moi-même ; au milieu des plus extrêmes contrastes de la vie, mentaux et corporels, nous ressentons toujours l’identité, notre « moi » propre.

Ce côté négatif de la conscience, notre « moi », le sujet pensant de l’homme, c’est donc ce qui, conditionnant nécessairement tout phénomène, n’est pas phénomène lui-même. C’est en lui, par conséquent, que se trouve la solution de cette contradiction méthodique,