Page:Abregé de la vie des peintres (Roger de Piles, Muguet, 1699).djvu/513

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Ses Draperies ſont ordinairement d’une même Etoffe par tout, & les Plis qui y ſont en grand nombre ôtent une précieuſe ſimplicité qui auroit donné beaucoup de grandeur à ſes Ouvrages.

Quelque grand que fut ſon Génie, il ne pût ſuffire à toutes les parties de la Peinture : car cet amour qu’il eût pour l’Antique fixa tellement ſon Eſprit qu’il l’empêcha de bien conſiderer ſon Art de tous les côtez, je veux dire qu’il en negligea le Coloris, ainſi à regarder ſes Ouvrages en général, on connoîtra facilement qu’il a ignoré cette partie ſoit dans les Couleurs locales ſoit dans le Clair-obſcur. De là vient que la plus grande partie de ſes Tableaux donnent dans le gris & nous paroiſſent ſans force & ſans effet. On peut néanmoins en éxcepter les Ouvrages de ſa prémiere maniére & quelques-uns de la ſeconde. Mais ſi l’on approfondit les choſes on trouvera que ce qu’il y a de bon du côté de la Couleur, vient plûtoſt d’une réminiſcence des Tableaux qu’il avoit copiez d’aprés le Titien, que de l’intelligence des principes de ce Peintre Vénitien. Enfin il paroît que le Pouſſin comptoit le Coloris, pour tres peu de choſe, & l’on voit dans ſa vie écrite par Bellori & par Félibien, un aveu ſincére qu’il ne le poſſedoit pas, & qu’il