Page:Abregé de la vie des peintres (Roger de Piles, Muguet, 1699).djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sculpteurs ont puiſé la perfection de leurs Ouvrages, & d’où Polycléte a tiré les belles proportions de la Statuë qu’il fit pour la poſterité, & qu’on appella la Régle. Il en eſt de même des Peintres. Les effets avantageux de la Nature leur ont donné envie de les imiter, & une expérience heureuſe a réduit peu à peu ces mêmes effets en Préceptes. Ainſi ce n’eſt pas d’un ſeul objet, mais de pluſieurs que les Régles de l’Art ſe ſont établies.

Si l’on compare l’Art du Peintre, qui a été formé ſur la Nature en général, avec une production particuliére de cette même Nature, il ſera vray de dire que l’Art eſt au deſſus de la Nature : mais ſi on le compare avec la Nature en elle-même, qui eſt ſon modéle, cette propoſition ſe trouvera fauſſe.

En effet, à bien conſidérer les choſes, quelque ſoin que les Peintres ayent pris juſqu’icy d’imiter cette Maîtreſſe des Arts, on trouvera qu’elle leur a laiſſé encore beaucoup de chemin à faire pour arriver juſqu’à elle, & qu’elle contient une ſource de beautez qu’ils n’épuiſeront jamais. C’eſt ce qui fait dire que dans les Arts on apprend encore tous les jours, parce que l’expérience & les réflexions découvrent ſans ceſſe quelque