Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/172

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sur la force ; et elle a conquis de même la société barbare : ç’a été son second triomphe ; car, pour fonder la chrétienté, la pensée a eu deux fois à se mesurer avec la force ; et quelle force ! l’empire romain avec ses Césars et ses légions, avec sa vaste et minutieuse administration ; les barbares avec leur violence sauvage et l’irrésistible élan qui les poussait à la conquête du monde. Voilà les deux puissances matérielles qu’a vaincues la pensée chrétienne ; et elle les a vaincues, non par le fer et le feu, mais par la parole et par son insurmontable douceur. Tant c’est une puissance, Monsieur, plus grande que toutes les puissances humaines, de toujours espérer, de toujours bénir, de ne jamais se décourager du salut du monde ! C’était là le génie et la vertu de votre illustre prédécesseur. Le monde appartient, non pas à ceux qui le contraignent, mais à ceux qui le servent et qui l’aiment. Il prête à ses dominateurs, par la contrainte, des minutes d’obéissance qu’ils appellent leurs règnes ; à ses consolateurs, il donne son âme ; et il n’y a vraiment de règne que sur les âmes.

C’est l’histoire de cette grande inauguration de la force morale dans le monde, que je vous félicite et vous remercie, au nom de l’Académie, d’avoir si éloquemment racontée dans votre livre pour l’honneur du passé et l’encouragement de l’avenir.