Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/347

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sable richesse de la mine. Chez les nations démocratiques, la petite propriété rassure contre les grandes catastrophes. Chez les nations chrétiennes, les petites vertus préservent des grandes décadences.

Et qu’on ne croie pas que nous prétendions, suivant une tactique trop fréquente aujourd’hui, borner aux classes ouvrières ou indigentes l’hommage impartial que l’équité nous prescrit. Non, non, les classes éclairées et aisées, prises à part de certaines exceptions douloureuses, ont droit à la même justice, à la même impartialité, à la même affectueuse et chrétienne sympathie ; jamais peut-être elles n’ont mieux mérité ces avantages qu’on leur conteste, car on peut hardiment affirmer que, si elles manifestent des vertus moins énergiques et moins éclatantes qu’autrefois, jamais elles n’ont produit moins de vices et moins de scandales.

Par un secret jugement qui est peut-être l’expiation de leurs fautes passées, c’est à mesure que leur prépondérance politique a cessé, qu’elles sont devenues d’autant plus dignes moralement d’exercer le pouvoir dont elles demeurent éloignées ou exclues. Au sein même de leur inaction forcée ou volontaire, elles rendent à notre société démocratique un service incomparable; elle gardent intact le culte de l’honneur. Ah ! c’est par milliers aujourd’hui que se compteraient ceux qui auraient le droit de répéter cette fière et belle parole du grand Vauban à Louvois, si heureusement mise en lumière dans un des livres que M. Villemain vient d’envoyer à la postérité :

« J’ose bien dire que, sur le fait d’une probité très-exacte et d’une fidélité sincère, je ne crains ni le roi, ni vous, ni tout le genre humain ensemble : la fortune m’a fait naître le