Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/589

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Et suivant un étroit sentier,
Fut arrêté par un brasier
Dont les charbons ardents lui barraient le passage.
La salamandre arriva sur ses pas ;
Et, fondant sur son embarras
Un projet infernal dicté par la colère,
Lui dit d’une voix débonnaire :
« Pourquoi donc ne passes-tu pas ?
— « J’ai peur, dit le lézard, ce brasier m’épouvante.
« Cette chaleur est si brûlante,
« Et je crains d y laisser ma peau ;
« Qu’en pensez-vous ? — Pauvre étourneau !
« Répond-elle en riant, ta crainte est ridicule.
« Je vais parcourir devant toi
« Ce feu dont la chaleur te cause tant d’effroi ;
« Et tu verras si je m’y brûle. »
La perfide à ces mots s’élance dans le feu,
Sautillant, bondissant comme sur la verdure,
De ces charbons ardents semble se faire un jeu.
Et sort enfin sans la moindre brûlure,
À cet aspect le lézard se rassure ;
Dans le brasier, comme elle, il entre en étourdi ;
Mais à trois pas il jette un cri,
Dont triomphe la salamandre ;
Recule en se traînant, brûlé, cuit à demi ;
Et vient expirer sur la cendre.
Reconnaissant trop tard qu’il ne faut jamais prendre
Les conseils de son ennemi.