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Page:Académie française - Recueil des discours, 1860-1869, 1re partie, 1866.djvu/80

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que cette partie de l’œuvre de M. Scribe eût suffi à sa renommée, tant il y déploya de qualités rares, exquises, et j’ajoute originales, puisque, malgré d’heureuses amitiés, on les retrouve toujours inséparables de son nom, et qu’on ne les retrouve jamais sans lui.

Dès ce moment, et pour longtemps, si une production dramatique se recommandait par des mérites singuliers, par l’invention séduisante du sujet, la souplesse sans égale de l’intrigue, la vivacité étincelante du dialogue, par un art merveilleux de précipiter l’intérêt ou de le suspendre, de mêler la gaieté à l’émotion, les pleurs au sourire, la grâce à la raison, le public n’attendait pas, pour saluer Scribe, qu’on le lui eût nommé. — Jamais peut-être un maître de la scène ne fut plus complètement maître du public de son temps, et jamais maître ne fut autant aimé. Cette faveur si constante, si chaleureuse, et empreinte d’une sorte de cordialité particulière, que lui témoignaient ses auditeurs, M. Scribe prétendait l’expliquer à ses jeunes confrères, en leur révélant, avec sa spirituelle bonté, le grand mystère de son art. — « Le public m’aime, disait-il, parce que j’ai soin de le mettre toujours dans ma confidence ; il est dans le secret de la comédie ; il a dans les mains les fils qui font jouer mes personnages ; il connaît les surprises que je leur ménage, et il croit les leur ménager lui-même ; bref, je le prends pour collaborateur ; il s’imagine qu’il a fait la pièce avec moi, et naturellement il l’applaudit. »

Messieurs, cette explication, malgré la finesse de l’enseignement qu’elle contient, ne me suffit pas, je l’avoue. J’en trouve une meilleure pour rendre un compte satisfaisant, non pas des succès de Scribe que son talent commandait.