Page:Académie française - Recueil des discours, 1880-1889, 1re partie, 1885.djvu/351

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jusqu’à la pensée, parce qu’il proclame l’impossibilité d’en constater scientifiquement l’existence.

Quant à moi, qui juge que les mots progrès et invention sont synonymes, je me demande au nom de quelle découverte nouvelle, philosophique ou scientifique, on peut arracher de l’âme humaine ces hautes préoccupations. Elles me paraissent d’essence éternelle, parce que le mystère qui enveloppe l’univers et dont elles sont une émanation est lui-même éternel de sa nature.

On raconte que l’illustre physicien anglais Faraday, dans les leçons qu’il faisait à l’Institution royale de Londres, ne prononçait jamais le nom de Dieu, quoiqu’il fût profondément religieux. Un jour, par exception, ce nom lui échappa et tout à coup se manifesta un mouvement d’approbation sympathique. Faraday s’en apercevant interrompit sa leçon par ces paroles : « Je viens de vous surprendre en prononçant ici le nom de Dieu. Si cela ne m’est pas encore arrivé, c’est que je suis, dans ces leçons, un représentant de la science expérimentale. Mais la notion et le respect de Dieu arrivent à mon esprit par des voies aussi sûres que celles qui nous conduisent à des vérités de l’ordre physique. »

La science expérimentale est essentiellement positiviste, en ce sens que, dans ses conceptions, jamais elle ne fait intervenir la considération de l’essence des choses, de l’origine du monde et de ses destinées. Elle n’en a nul besoin. Elle sait qu’elle n’aurait rien à apprendre d’aucune spéculation métaphysique. Pourtant elle ne se prive pas de l’hypothèse. Nul, au contraire, plus que l’expérimentateur n’en fait usage ; mais c’est seulement à titre de guide