Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 1re partie, 1895.djvu/72

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une vraie surprise joyeuse quand, chez mon éditeur, on me remit une carte d’Octave Feuillet me disant sa curiosité de me connaître et me priant d’aller le voir.

Je n’eus garde d’y manquer, et me rendis à l’appartement de la rue de Tournon qu’il occupait alors… En traversant, à la suite du domestique qui m’introduisait, deux ou trois salons sombres remplis de choses anciennes, — je me rappelle combien je me sentais intimidé de ma qualité nouvelle et inattendue d’auteur, au moment de comparaître devant lui.

En ce temps-là, Octave Feuillet était déjà presqu’un vieillard, pour mes yeux de 28 ans ; — vieillard séduisant s’il en fut, avec sa jolie figure distinguée, son fin sourire. Et je ne puis assez dire la simplicité, l’adorable bienveillance, la familiarité d’exquise compagnie, avec lesquelles ce maître accueillit le marin si obscur.

…Et je trouve bien particulier, bien étrange, de venir précisément ici prendre la place de celui qui m’avait le premier tendu la main, à mon arrivée, un peu brusque et imprévue, dans le monde des lettres !…

Maintenant je voudrais dire, en quelques mots, très simplement, la vie d’Octave Feuillet.

Et puis j’essaierai de dire aussi ma profonde admiration pour ses œuvres, sans employer pour cet éloge la langue consacrée de la critique — que je ne possède guère et que j’avoue ne pas aimer… Mais je me sens là bien au-dessous de ma tâche ; je suis inquiet, — en même temps que charmé avec tristesse, — du grand honneur qui me revient de parler de lui.