Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 1re partie, 1895.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais cette sorte d’enchantement d’apothéose, qui était venu couronner sa carrière, fut de courte durée. La grande guerre éclata, balayant tout ce qui avait été la brillante cour, mettant partout du chaos, de la détresse et de la nuit.

Il n’avait plus l’âge où l’on prend un fusil et où l’on marche. Alors son vrai devoir d’honneur était la fidélité à ces souverains, si effroyablement tombés, qui toujours l’avaient traité en ami et lui avaient fait partager leur instable fortune. Son dévouement à leur malheur devint pour lui une sorte de religion douloureuse.

Des rancunes jalouses le poursuivirent ; il eut des déceptions, des revers.

Sa santé aussi s’altérait de plus en plus, minée par des excès de travail et des tristesses. De précoces infirmités lui venaient… C’était bien la triste période assombrie, la descente inévitable sur le versant noir.

En 1889, la mort de son fils aîné vint porter le dernier coup à ses forces, déjà si ébranlées. Et il le suivit de près, brisé plus vite par cette immense douleur ; en décembre 1890, il s’en alla lui aussi… Il avait trouvé le courage d’achever, pendant ses derniers jours, ses dernières heures, ce beau livre : Honneur d’artiste, qu’il appelait son chant du cygne.

Et, très près de mourir, il avait dit ceci, qui est d’une mélancolie sans bornes : « Je n’écrirais plus quand même je vivrais. Je ne serais plus compris. Le réalisme ne veut plus de mon idéal. » Il s’en est allé avec cette erreur, pour lui si douloureuse, que son œuvre avait fait son temps et ne serait plus lue.