Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 1re partie, 1895.djvu/89

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clare, des actes commis, des conversations échangées, quelquefois rien que d’une réplique brève, où d’un haussement d’épaules ou d’un demi-sourire.

C’est le procédé du théâtre, et il semble étonnant à première vue que ses pièces n’aient pas eu un succès aussi éclatant et aussi durable que ses romans ; mais cela tient sans doute à ce que, dans ses drames, il reste toujours trop fin, trop délicat, pas assez soucieux de l’optique théâtrale ; aussi, bien qu’il ait eu le sens dramatique à un degré rare, ses pièces ne sont-elles plus guère jouées que devant des auditoires restreints et choisis.

Elles vivront quand même, parce qu’elles seront toujours exquises à lire.

En vérité, dans tout ce qui précède, j’ai la frayeur d’avoir, pour ceux qui ne le connaîtraient pas, donné l’idée d’un Feuillet presque monotone ; car j’ai dit deux choses qu’il faudrait pouvoir atténuer comme il convient : d’abord, qu’il se ressemblait toujours à lui-même, ensuite qu’il soutenait toujours sa même thèse immuable.

Ce Feuillet-là serait pourtant bien loin du vrai, qui était infiniment divers. Son unité, qui consiste en un certain triage très exclusif des milieux et des sentiments qu’il aimait à peindre, — et surtout en une certaine très haute conception invariable de l’honneur, de l’amour et de la vie, — son unité, il l’enveloppe et la dissimule, comme sa thèse, sous les plus changeantes histoires ; alors, nous la constatons sans qu’elle nous gêne ; nous en prenons juste assez conscience pour avoir une foi sympathique en lui. Et puis, de temps à autre, il effleure d’un mot, d’une