Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 1re partie, 1895.djvu/92

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de s’amuser seulement, pourrait parcourir à cet unique point de vue sans perdre sa peine.

De temps à autre, il a des personnages qui sont, à eux seuls, des petites merveilles de comique contenu, latent, presque inexplicable. Ainsi, dans Un mariage dans le monde, nous apparaît cette comtesse Jules, une vieille cousine de province qui n’arrive au milieu de la famille qu’aux grandes circonstances, fait du crochet sans rien dire, répond d’un simple signe de tête aux questions qu’on lui pose, — et trouve le moyen d’être impayable avec si peu. Une seule fois elle ouvre la bouche, — et c’est alors pour dire l’énormité la plus impossible à prévoir et la plus charmante ; comme elle passe pour un dragon d’austérité, on lui a confié la garde de deux fiancés, qui se marient demain et auxquels il s’agit d’éviter toute occasion de tête-à-tête ; quand la mère, au collet très monté, lui demande si elle accepte bien les responsabilités de cette surveillance, elle fait : oui d’un signe de tête solennel, et ne souffle mot tant que s’entendent les pas de la dame qui s’éloigne ; puis gravement prend la parole : « Mes enfants, dit-elle, dans le mariage, il n’y a que la veille de bonne, et je ne veux pas vous en priver. Allez dans le bois, vous promener tous deux, mes chers petits… »

Et tant de sous-entendus légers, de demi-mots strictement corrects, qui sont irrésistibles !

On en rencontrerait à chaque page, de ces choses extra-spirituelles, qui insinuent tout, sans quitter le ton le plus élégant.

En ce moment, il est de mode, pour les superficiels et