Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Durant quelques jours, Belle-Rose demeura couché, en proie à une fièvre ardente ; la force de sa constitution et la vigueur de sa volonté avaient pu, dans les premiers instants, dissimuler l’énergie du mal ; mais il dut céder enfin à la violence de la réaction qui s’opérait en lui. Son corps et son esprit, également blessés, étaient à bout de résistance et d’efforts. Bien souvent, tandis que le délire faisait passer des rêves sans nombre dans les ténèbres de son imagination, il crut voir, penchée sur son lit, une figure de femme que voilaient à demi les longs anneaux d’une chevelure embaumée. Alors, il appelait Suzanne d’une voix brisée par les sanglots, et ses lèvres arides se collaient à des mains blanches qu’on abandonnait à ses baisers. Mais, chose étrange ! dans ces heures où l’amour de Belle-Rose s’enflammait de tous les feux de la fièvre, le visage de l’inconnue se détournait, et tout son corps tremblait comme un rameau secoué par le vent. Un jour vint où le malade put jeter autour de lui un regard plus tranquille. Le silence était profond. Dans l’ombre transparente d’une chambre où les rayons du jour se noyaient entre les tentures de soie, une femme, entourée des longs plis d’une robe blanche, était assise sur un fauteuil. Un rêve à peine achevé flottait encore devant les yeux de Belle-Rose ; il tendit les bras à l’image trompeuse de son amante, et sa bouche murmura doucement le nom de Suzanne.

– Je ne suis pas Suzanne, dit l’étrangère.

Belle-Rose se souleva sur le coude et la regarda. Les voiles où la fièvre avait emprisonné son âme disparurent comme ces vapeurs du matin dont les premières clartés du jour effacent les plis nacrés. Belle-Rose