Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/127

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Plus loin, le regard du soldat croyait voir, entre les massifs du bois, fuir une ombre rapide ; mais avant qu’il en pût distinguer les contours, l’apparition s’était évanouie.

– Vous voyez des fantômes et ne voyez pas mon sourire, reprenait son amante.

Un soir, ils arrivèrent à un endroit du parc où le mur de clôture faisait un angle. À la pointe de l’angle, sous des touffes de lierre et de clématites, une porte s’ouvrait sur la campagne. Il fallait passer tout contre cette porte pour la distinguer du mur qui l’encadrait. Les tons bruns de la pierre et du bois se confondaient sous un rideau tremblant de feuillage. L’herbe semblait foulée autour de la porte ; deux ou trois rameaux déchirés pendaient le long du mur.

– Les gardes usent-ils de cette porte de sortie ? demanda Belle-Rose.

– Non ; elle est presque inconnue aux gens du château.

– On a passé par là cependant.

– Personne n’a la clef de cette porte, répondit Mme de Châteaufort.

– Regardez, reprit Belle-Rose en montrant du doigt une touffe de mauve froissée.

– Hier, nous avons passé le long du mur ; vos mains tenaient les miennes ; savez-vous où se posaient nos pieds ?

Cependant Belle-Rose n’était pas le jouet d’une illusion. Tandis que Mme de Châteaufort dissipait ses craintes un instant éveillées, M. de Villebrais les suivait de taillis en taillis. Couvert de vêtements grossiers, il s’était logé, sous un nom d’emprunt, dans une méchante auberge du voisinage, et quand venait la nuit il s’introduisait dans le parc de Mme de Châteaufort, où l’appelait le désir de la vengeance. Étonné du silence de Mme de Châteaufort, qui n’avait pas répondu à ses lettres, M. de Villebrais, aussitôt qu’il fut en état de marcher, lui avait fait demander une entrevue. Mais lorsque Mme de