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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/129

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effarée sur le perron du château. Elle tenait une lettre à la main.

– Je lirai ça ce soir, dit la duchesse.

La camériste l’arrêta comme elle mettait le pied à l’étrier, et lui parla bas à l’oreille.

– Eh qu’importe ! reprit sa maîtresse avec impatience.

Et elle sauta sur la selle. La camériste fit encore un pas, mais Mme de Châteaufort lui ferma la bouche d’un regard, et lâcha les rênes d’Adonis, qui partit au galop. Un instant après, les fanfares sonnèrent et la chasse se perdit sous la feuillée. La camériste, restée sur le perron, regarda tour à tour la lettre timbrée d’un cachet de cire noire, et Belle-Rose qui chevauchait à côté de Mme de Châteaufort.

– Oui, murmura-t-elle, il est beau, jeune, charmant ; mais le capitaine est à Paris ; qu’elle y prenne garde ! Quand il menace, c’est un lion.

Le cerf se fit battre jusqu’au soir. Mme de Châteaufort rentra, lasse de galoper, mais la joue enflammée et le regard brillant. La camériste lui présenta la lettre et murmura tout bas un nom. La duchesse lui imposa silence d’un geste à la première syllabe et jeta la lettre sur sa toilette ; puis, après avoir quitté son habit de cheval, elle la congédia. La nuit était sereine, et l’étoile de Vénus montait à l’horizon. Mais le lendemain, tandis que les femmes de la duchesse apprêtaient ses vêtements, la main distraite de Geneviève ramassa sur sa toilette la lettre dédaignée et l’ouvrit. Aux premiers mots, elle pâlit ; à la dernière ligne, elle poussa un cri et se dressa.

– Une voiture et des chevaux ! s’écria-t-elle.

Ses caméristes étonnées ne remuaient pas.

– M’entendez-vous ? reprit-elle. Des chevaux ! à l’instant ! mais courez donc !

Une suivante, terrifiée par le regard de Mme de Châteaufort, se précipita dehors.

– Où donc est Camille ? Qu’elle vienne, continua-t-elle, tout en tordant sur sa tête ses longs cheveux épars.