Mais il est mort, mon pauvre frère !… Tu ne sais pas, toi, j’étais rude et sévère avec lui, toujours morose et bourru ; mais je l’aimais comme un père aime son enfant.
Vaincu cette fois par la douleur, le capitaine tomba sur un fauteuil et cacha sa tête entre ses mains. Il pleurait. Belle-Rose s’approcha doucement, sans parler, et lui prit la main. Le capitaine répondit à ce mouvement par une étreinte, et tous deux, les doigts entrelacés, restèrent muets un instant.
Tout à coup M. de Nancrais se leva.
– Assez de larmes, dit-il en passant rudement sa main sur ses paupières humides… Mille sanglots ne lui rendraient pas une heure de vie ! Il s’agit de toi maintenant. Entre nous, à présent qu’il n’y a l’un devant l’autre que le frère de M. d’Assonville et Belle-Rose, je puis bien te dire ce que je pense. Tu es un brave et honnête soldat, et M. de Villebrais est un misérable officier qui a plus d’orgueil que de courage. Tu l’as frappé, et bien tu as fait. Tout autre que toi, ayant du cœur, aurait agi de même. Tu avais le droit et la justice de ton côté. Cependant tu seras fusillé. La discipline le veut, et tu le sais, on doit obéissance à la discipline. On aurait fait de toi quelque chose, c’est fâcheux. Demain il n’y aura plus en présence que le capitaine et le déserteur. Donne-moi la main et va-t’en au cachot.
M. de Nancrais agita une sonnette. Le caporal la Déroute parut. M. de Nancrais échangea un dernier regard avec Belle-Rose et se redressa vivement. Ce n’était déjà plus l’ami, c’était l’officier.
– Caporal, dit-il à la Déroute d’une voix brève, voici le déserteur Belle-Rose que je vous confie. Vous allez le conduire au cachot, et vous reviendrez prendre mes ordres pour la convocation du conseil de guerre. Allez. La Déroute porta la main à son chapeau et sortit. À peine eurent-ils passé la porte, que le caporal sauta au cou du sergent.
– Mort de ma vie ! vous avez eu là une idée saugrenue,