Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/187

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Belle-Rose tressaillit. Dans son ardeur généreuse, il avait un instant oublié la qualité de l’homme auquel il parlait. À ces quelques mots, son juvénile emportement s’apaisa, comme s’apaise l’eau bouillante d’un vase où tombe une onde froide.

– Vous avez fort bien plaidé la cause de M. de Nancrais, ajouta M. de Luxembourg avec dignité ; l’audace ne messied pas à la jeunesse, et celle que vous venez de montrer vous honore en même temps qu’elle me donne une haute opinion du caractère de M. de Nancrais. On n’est point un homme ordinaire lorsqu’on sait inspirer de tels dévouements. Mais il faut avant toute chose que la discipline ait son cours. Malgré vos prières, j’ai donc le regret de vous répéter que le capitaine de Nancrais sera fusillé demain, au point du jour.

M. de Luxembourg, d’un geste noble, salua Belle-Rose, mais le lieutenant ne bougea point. Le duc fronça le sourcil.

– Je croyais m’être clairement expliqué, monsieur ? dit-il.

– Pardonnez-moi, monseigneur, si j’insiste, mais…

– Ah ! monsieur Belle-Rose, j’ai bien voulu ne pas m’offenser de votre audace ; mais une plus longue insistance m’obligerait à me rappeler qui vous êtes et qui je suis.

Belle-Rose sourit tristement.

– Puissiez-vous donc le faire, si le souvenir de la distance qui est entre nous vous rappelle que vous pouvez accomplir une bonne action, et que moi je puis seulement vous en prier.

M. de Luxembourg réprima un geste d’impatience :

– Puisque vous ne voulez pas me comprendre, permettez-moi, monsieur, d’appeler pour qu’on vous reconduise au quartier de l’artillerie.

En achevant ces mots, le duc s’approcha de la table pour prendre la petite sonnette, mais Belle-Rose prévint son mouvement, et s’élançant vers la table, il saisit la main du général.