Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/196

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même aux officiers de sa connaissance, recevait partout un accueil qui prouvait tout à la fois l’estime qu’on avait pour sa personne et pour celle du colonel. C’était, parmi ces braves et loyaux jeunes gens, à qui le complimenterait et presserait sa main. M. de Villebrais passa entre les groupes sans paraître voir son rival, et s’avançant vers une table où sept ou huit officiers jouaient au lansquenet, il jeta quelques pièces d’or sur le tapis. Celui qui tenait les cartes leva les yeux et reconnut M. de Villebrais. C’était un vieux capitaine d’artillerie réputé dans tout le régiment pour sa bravoure.

– Je fais dix louis, dit M. de Villebrais.

– Messieurs, je ne fais rien, reprit le capitaine, et lançant le jeu de cartes sur la table, il se retira.

– Monsieur ! s’écria le lieutenant ivre de colère et la main sur la garde de son épée.

Le vieux capitaine s’arrêta une minute, toisa M. de Villebrais des pieds à la tête avec un sourire de mépris, et passa sans répondre. Un jeune mousquetaire noir ramassa les cartes et les battit.

– Faites le jeu, messieurs, dit-il.

Mais, avant de tirer une carte, il repoussa les pièces d’or de M. de Villebrais, et ôtant avec affectation le gant qui les avait touchées, il le jeta dans un coin. M. de Villebrais se mordit les lèvres jusqu’au sang.

– C’est un outrage dont vous me rendrez raison, dit-il d’une voix sourde.

Le mousquetaire se leva et regarda M. de Villebrais comme l’avait fait le vieux capitaine.

– Décidément, dit-il en se retournant vers ses camarades, cette table est placée dans un lieu malpropre : on s’y frotte à de vilaines choses. Messieurs, allons-nous-en.

Un nuage rouge passa devant les yeux de M. de Villebrais. Dans sa fureur aveugle, il voulut saisir un des officiers par le bras. Celui-ci, qui était un cornette de chevau-légers, le repoussa et se mit très gravement à