Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/198

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regard il aperçut M. de Villebrais assis sur une chaise, les coudes appuyés contre une table et la tête entre les mains, pâle, morne, défait. L’épée était encore sur le sol. Les chandelles avaient été enlevées ; une seule lampe de fer pendue au plafond éclairait la vaste salle dont les angles reculés se noyaient dans l’obscurité.

La Déroute fit trois pas en avant, et, ôtant son chapeau, s’inclina légèrement.

– Monsieur de Villebrais ? dit-il.

M. de Villebrais tressaillit comme un homme qu’on tire violemment d’un profond sommeil. Il releva sa tête bouleversée par la rage impuissante et l’humiliation, et regardant un instant la Déroute aux clartés rougeâtres de la lampe, il le reconnut.

– Oh ! fit-il, c’est un cartel que tu m’apportes ?

– Non, monsieur, c’est un ordre.

– Un ordre !

– Et c’est moi que messieurs les officiers du régiment ont choisi pour vous le signifier.

– Toi ! insolent !

Et M. de Villebrais, dans un accès de colère folle, sauta sur son épée, et la saisissant par le fer, en leva la lourde garde sur la tête de la Déroute ; mais la Déroute, se jetant en arrière, prit à sa ceinture un pistolet dont il tourna le canon vers M. de Villebrais.

– Jouons franc jeu, monsieur, lui dit-il de cet air bonhomme qu’il avait toujours ; vous n’êtes plus mon officier : je vous jure donc que si vous faites un pas, si vous me touchez, je vous casse la tête.

M. de Villebrais lança son épée contre le mur de la salle avec tant de violence, que la lame vola en éclats.

– Monsieur, reprit le sergent en repassant le pistolet à sa ceinture, vous êtes prévenu de la part de messieurs les officiers du régiment où vous avez servi en qualité de lieutenant, que si vous avez l’audace de vous présenter demain au quartier ou à la parade, ils seront contraints de vous châtier du plat de leur épée, à la face