Aller au contenu

Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/211

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

– Une heure, une minute, un instant ! reprit Belle-Rose avec l’aveugle obstination de l’amour.

Claudine froissa ses mains l’une contre l’autre.

– Frère, dit-elle, c’est une mauvaise pensée ; mais il ne sera pas dit que je t’aurai rien refusé le jour où tu m’es rendu. Attends ici.

Et, plus légère qu’un oiseau, Claudine s’élança vers la maison. Cornélius, avec une réserve naturelle aux gens de sa nation, s’était retiré à l’écart. Belle-Rose s’appuya contre un arbre et ferma les yeux. Ce jardin, ces arbres, ces fleurs, cette petite maison, ces insectes bourdonnants, Claudine qu’il venait d’embrasser, Suzanne qui était si proche de lui qu’un pan de gazon l’en séparait à peine, tout lui rappelait son enfance et le logis de Saint-Omer. Au bout de cinq minutes, le temps de revoir toute une vie à la lueur d’un souvenir, Claudine revint. Elle était très pâle et tenait une lettre à la main. À la vue de cette lettre, Belle-Rose perdit toute espérance.

– Elle ne veut pas ? dit-il.

– Lis, répondit Claudine, et, tendant la lettre à son frère, elle détourna la tête pour cacher une larme qui roulait dans ses yeux.

Belle-Rose rompit le cachet et lut. Il voyait comme au travers d’un nuage.


« Il y a près d’un quart d’heure que je vous vois, mon ami, disait la lettre ; avant que vous fussiez entré au jardin, mon cœur s’était empli du bruit de vos pas. J’ai couru à la porte, entraînée par un élan irrésistible ; une puissance inconnue m’a clouée sur le seuil. Je suis restée là, immobile, haletante, ne vous voyant plus et tout émue du son de votre voix. Depuis que je vous ai rencontré sur le chemin de la chapelle, je suis comme une folle. Quelles prières ai-je adressées à Dieu ! Ai-je prié seulement ? Toute ma force s’en est allée comme l’eau d’un vase qu’on renverse, et c’est alors que votre