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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/266

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Cornélius lui raconta les circonstances qui avaient précédé et accompagné cette arrestation. Mme de Châteaufort l’écoutait les mains jointes. Quand elle apprit que Belle-Rose avait été conduit à la Bastille, elle frissonna.

– C’est un lieu terrible : les uns en sortent pour perdre la vie, d’autres y restent pour mourir.

– Il faut l’en tirer, madame, et l’en tirer vivant.

– Certes, je m’y emploierai de toutes mes forces, mais suis-je bien sûre de réussir ?

– Vous ? mais vous l’avez sauvé de la mort déjà. Vous le sauverez bien de la prison.

Mme de Châteaufort secoua la tête.

– J’étais puissante alors, et ce n’était qu’un soldat, dit-elle ; j’ai perdu mon crédit, et c’est maintenant un criminel d’État.

– Lui ! fit Cornélius épouvanté.

– Oh ! vous ne savez pas, vous, ce que c’est que la cour et comme on y transforme les innocents en coupables. Vous ne savez pas quel homme c’est que M. de Louvois : farouche, violent, impérieux, il hait qui le blesse, et ce n’est pas lui qui pardonnera jamais à Belle-Rose.

– Qu’il ne lui pardonne pas, mais qu’il lui rende sa liberté. Il n’osera pas vous la refuser, à vous.

– Non, peut-être, si j’étais encore ce qu’on m’a vue, jeune, belle et puissante. Regardez-moi, reprit la duchesse en souriant tristement à son image réfléchie par une glace, et dites-moi si je suis celle que vous avez connue il y a trois mois ! J’ai quitté la cour, je n’ai plus rien demandé, d’autres sont venues et je suis oubliée… Oh ! ne dites pas non, on oublie vite autour d’un roi !

– Que faire alors ? que faire ? s’écria Cornélius.

– Tout tenter et prier Dieu. J’irai trouver M. de Louvois, je lui parlerai et ne le quitterai qu’après avoir tout épuisé. Pour si triste et si abattue que je sois, je me souviens toujours que je suis Mme de Châteaufort.

À cet élan d’une âme fière jusque dans sa détresse,