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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/27

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Jacques voulut baiser la main de Suzanne ; mais Suzanne lui ouvrit ses bras, et les deux enfants s’embrassèrent. Tous deux étaient à la fois graves et ingénus. Ils croyaient à leur cœur.

– Allez et méritez-moi, reprit Suzanne, les joues humides et rougissantes ; moi, je vous attendrai en priant Dieu.

Ils échangèrent un dernier serment et se séparèrent.

Jacques reprit le chemin de la maisonnette, sérieux, mais non plus triste. Il fit tout de suite part à Guillaume Grinedal de ce qui s’était passé dans la journée.

– Nous nous aimons, ajouta-t-il, et nous nous marierons.

Le père regarda les hirondelles qui fuyaient au loin dans le ciel bleu.

– Serments d’amoureux ! dit-il en hochant sa tête chauve. Mais qu’ils durent ou qu’ils passent, il n’importe, mon fils, il faut partir.

– C’était mon intention, répondit Jacques.

Le père et le fils se serrèrent la main.

– La fille appartient au père, reprit Guillaume Grinedal ; M. de Malzonvilliers a été bon pour nous, il ne faut pas qu’il t’accuse d’avoir voulu semer le désordre dans sa maison. Tu partiras demain sans chercher à revoir Suzanne.

Jacques hésita.

– Il le faut, répéta le vieillard.

– Je partirai, dit le fils ; je partirai sans la revoir.

Vers le soir, à l’heure accoutumée, on s’assit autour de la table. Le dîner fut silencieux. Jacques ne mangeait pas, et le refrain des chansons qu’il avait l’habitude de fredonner mourait sur ses lèvres. Claudine ne voulait pas parler, de peur d’éclater en sanglots ; elle se détournait parfois pour s’essuyer les yeux. Jacques et Guillaume s’efforçaient de paraître calmes, mais les morceaux qu’ils portaient à la bouche, ils les reposaient intacts sur leur assiette. Après la veillée, le père embrassa ses trois enfants ; il retint Jacques plus longtemps sur son cœur.