Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/29

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– Le reconnais-tu, Jacques ? lui dit-il ; c’est le médaillon perdu par l’étranger, il y a cinq ans. Tu l’as bien gagné, garde-le donc ; si tu retrouves le gentilhomme auquel il appartient, tu le lui rendras, et peut-être se rappellera-t-il l’hospitalité de notre toit. Embrassons-nous maintenant, et que Dieu te conduise.

Jacques embrassa d’abord Guillaume et Pierre ; Claudine était restée un peu en arrière ; quand ce fut à son tour, elle sauta au cou de Jacques.

– Je t’embrasse pour moi, d’abord, lui dit-elle tout bas, si bas, que sa voix glissait comme un souffle à l’oreille du voyageur ; à présent, c’est pour elle.

Jacques tressaillit.

– Oui, pour elle, reprit sa sœur ; elle-même me l’a bien recommandé.

Jacques serra Claudine sur son cœur avec passion au souvenir de Suzanne. Il regarda le ciel, plein d’un courage nouveau, l’œil brillant d’espoir. Les premières clartés du jour s’épanchaient sur les campagnes humides ; à l’horizon flottaient mille vapeurs dorées, et la route se perdait au milieu des solitudes baignées de lumière. Paris était là-bas, derrière cet horizon flamboyant ; Suzanne était le prix du triomphe. Jacques s’arracha des bras de Claudine et partit.


À quelques centaines de pas de la maisonnette, la route faisait un coude et gravissait un monticule. Arrivé au sommet, Jacques se retourna. Sur le seuil de la porte, Guillaume Grinedal était debout, et près de lui, agenouillés sur la terre, Pierre et Claudine tenant ses mains entre les leurs. Derrière lui, Jacques laissait tout son bonheur, tout ce qu’il avait aimé : le jardin plein d’ombre