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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/290

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les courroies, la route est mauvaise, il y aura des cahots.

– Que diable dit-il ? murmura l’exempt ; la route est unie comme un parquet, voilà un mois qu’il n’a plu !

Belle-Rose ne dit rien et passa le bras dans une courroie qu’il serra fortement. Évidemment le conseil était pour lui. L’or de la duchesse avait fait merveille. La Déroute avait grisé dix postillons avant de découvrir celui qui devait conduire la chaise du prisonnier. Quant à celui-ci, il n’avait pu résister à l’offre d’une bourse où les louis brillaient entre les mailles de soie. Sa philosophie avait estimé qu’une veste de drap bleu galonné d’argent, une culotte de peau, de grosses bottes et l’honneur de conduire un prisonnier d’État ne valaient pas deux mille livres. La voiture se mit à rouler du côté de la barrière d’Enfer ; à quelques lieues de là, un peu après Villejuif, un embarras força la voiture de s’arrêter. Un arbre était abattu sur un côté de la route ; de l’autre côté, on voyait un chariot immobile.

– Eh ! l’homme au chariot, cria la Déroute, faites place aux gens du roi.

L’homme au chariot sortit sa tête du milieu des bottes de foin, bâilla, étendit les bras et se rendormit. La Déroute lui lança un coup de fouet, mais la mèche alla frapper contre le foin, à trois pieds du dormeur.

– Eh ! monsieur l’exempt, dit la Déroute, voilà un terrible dormeur qui barre le chemin. Priez donc un de vos braves de lui frotter les oreilles.

L’exempt ouvrit la portière et Bouletord sauta sur la route. Il commença par tirer l’attelage du chariot, qui partit ; mais le dormeur, réveillé par la secousse, descendit du milieu de ses bottes de luzerne, et courut à Bouletord, qui tout d’abord lui mit la main au collet. Malheureusement l’homme au chariot n’était pas d’humeur à se rendre sans résistance ; il répondit par un coup de poing si rude, que Bouletord roula par terre.