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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/309

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dans tout ceci, un seul, et celui-là a été commis dans la Bastille, la nuit, sans jugement, sur la personne d’un officier innocent. Or cet officier est mon fiancé, on s’est acharné à le perdre, on veut l’enterrer vivant dans une prison d’État, l’y faire mourir peut-être, et moi, l’amie de tous les siens, la compagne de son enfance, et bientôt sa femme ! moi qui l’aime, je ne tenterais pas tout pour le sauver ? Allez, monseigneur, on voit bien que vous n’avez jamais aimé, et tout votre pouvoir de ministre, pour si grand qu’il soit, ne va pas jusqu’à empêcher une femme de se dévouer !

Le visage de M. de Louvois était effrayant à voir : la colère grandissait dans son cœur comme une tempête, et il employait toute l’énergie de sa volonté à la comprimer ; il était devenu blanc comme du marbre ; ses narines frémissaient, ses yeux ardents couvraient Mme d’Albergotti d’un regard enflammé, ses mains étaient nouées autour des bras de son fauteuil comme s’il eût craint de se laisser emporter par un élan furieux de son irritation croissante.

– Et moi je vous ferai bien voir, s’écria-t-il avec un éclat terrible, que ma puissance va jusqu’à me venger de ceux qui osent me braver. On ne l’a jamais fait impunément, madame. Me laisserai-je jouer par un petit lieutenant d’artillerie, moi qui briserais des généraux d’armée comme je brise cette lame ? fit-il en mettant en pièces un petit couteau à papier qui était sur la table. Vraiment, vous ne savez pas à qui vous parlez ! Personne ne s’est donc trouvé là pour vous dire qui j’étais ? Eh quoi ! un officier de fortune, qui n’est pas même gentilhomme, s’est révolté contre mon autorité, il s’est fait l’instrument d’un homme que je hais, il m’a traversé dans mes desseins, et je ne le punirai pas ? Et vous, vous qui êtes venue me prier pour lui, vous qui m’avez arraché une faveur imméritée, vous vous employez pour le faire évader, vous avez triomphé,