Le couvent des dames bénédictines de la rue du Cherche-Midi était alors un des couvents les plus renommés de Paris pour l’austérité de sa discipline. C’était un grand bâtiment carré, allongé de deux ailes qui le coupaient à angle droit ; tout alentour s’étendaient de vastes et beaux jardins, qui faisaient à cet asile de la religion un rempart verdoyant plein de fraîches retraites et de sentiers ombreux. Mais au milieu de ce grand parc frais et souriant, le couvent, avec ses murs blancs et ses toits gris dont nul bruit ne s’échappait, avait un aspect morne qui glaçait le cœur. C’était comme un grand tombeau entre des fleurs. Au nom de M. de Louvois, la porte s’ouvrit ; Mme d’Albergotti et son guide descendirent du carrosse ; on conduisit Suzanne dans une petite pièce où il n’y avait pour tout meuble qu’un banc de bois, un christ et un prie-Dieu, et M. de Charny fut introduit dans le parloir, où la supérieure l’attendait.
– Veuillez attendre ici quelques instants, madame, dit M. de Charny à Suzanne en la quittant : l’asile que M. de Louvois vous a choisi vous dérobe à un monde corrupteur qui aurait peut-être un jour flétri votre pureté. Je vais vous recommander aux bontés toutes spéciales de madame la supérieure. C’est l’ordre exprès du ministre, et si mon faible crédit y peut quelque chose, croyez que je ne négligerai rien pour que vous soyez traitée ici comme vous le méritez.
Mme d’Albergotti s’inclina sans répondre. La voix de cet homme lui figeait le sang dans les veines. La lettre dont M. de Charny était porteur était conçue en termes clairs et précis. Aussitôt qu’elle en eut pris connaissance,