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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/340

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Ce pouvait être aussi une fausse nouvelle préparée par M. de Louvois. Suzanne se résolut à attendre avant de prendre aucune détermination, mais le coup avait été terrible, et quand elle parut le lendemain aux prières qui se faisaient en chœur dans la chapelle, on aurait pu croire que c’était une morte qui sortait du tombeau. Trois jours se passèrent dans cette angoisse qui l’épuisait ; ses nuits étaient sans sommeil, ses jours sans repos. Il lui arrivait souvent de rester plusieurs heures accoudée contre l’appui de sa fenêtre, regardant les oiseaux du ciel, les nuages blancs, les grands ormes tout frémissants, l’eau des fontaines, les fleurs épanouies, et ne comprenant pas que la nature impassible eût encore des parfums, des bruits mélodieux, des beautés sereines, quand tant d’épines lui déchiraient le cœur. On la trouvait parfois, dans les bosquets du jardin, étendue au pied d’un arbre, le front pâle, inanimé, et le visage couvert de larmes ; d’autres fois, il fallait l’arracher du pied de la croix où elle s’était agenouillée, entourant de ses faibles bras les pieds sanglants du Christ : les prières se mêlaient à ses sanglots, et tandis que la supérieure ordonnait d’une voix sèche de la transporter sur son lit, on voyait les jeunes sœurs presser leurs yeux humides de leurs voiles blancs. Dans les heures où la douleur, endormie par son propre excès, lui laissait un peu de repos, Suzanne s’efforçait de se rattacher à la pensée consolante qui luisait dans son esprit malade ; elle se reprenait à la vie, et il lui paraissait que Belle-Rose ne pouvait pas mourir, tout bonnement parce qu’elle l’aimait. Mais ces heures étaient courtes, et la douleur, un instant assoupie, se réveillait plus aiguë et plus amère. Le quatrième jour, on vint avertir Suzanne que M. de Pomereux, qui désirait lui parler, était au parloir. La première pensée de Suzanne fut de refuser cette entrevue, mais il lui parut que dans l’état où elle était tombée, rien ne saurait plus augmenter son malheur, et elle descendit. M. de