Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/403

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– Ma première visite eût été pour vous si ma présence ici n’était secrète, répondit Cornélius en prenant la main du comte.

M. de Pomereux rajusta son manteau et assura son chapeau d’un coup de poing.

– Parbleu ! je ne sais pas si je dois me réjouir de cette rencontre, reprit-il, au moins aurais-je eu le plaisir de me couper la gorge avec un passant, si ce passant eût été un autre que vous ! dit-il d’un air bourru.

– Décidément, répondit Cornélius, le soir est contraire à votre humeur ; la première fois que je vous vis, vous étiez en train de vous faire massacrer ; la seconde, vous voulez absolument tuer quelqu’un. C’est une maladie.

– Vous raillez, je crois ! Je voudrais bien vous y voir ! Il m’arrive l’aventure la plus abominable… Vous m’en voyez furieux… Encore, s’il y avait là quelqu’un sur qui passer ma colère…

– Je suis vraiment fâché de ne pouvoir pas être ce quelqu’un-là ; mais, d’honneur, si vous me tuiez, cela dérangerait singulièrement mes projets.

– Tenez, continua le comte, sans prendre garde au raisonnement de Cornélius, je vous en fais juge : il y a une dame du nom d’Albergotti…

– Vous m’avez conté cette histoire, interrompit Cornélius.

– À vous ? c’est, ma foi, vrai ! Je la raconte à tout le monde, si bien que je ne sais plus moi-même qui l’ignore et qui la sait. Eh bien ! mon cher Irlandais, croiriez-vous qu’elle continue à me refuser obstinément ?

– En vérité ?

– C’est un cœur de roche ! j’en suis, ma foi, désespéré, non pas tant pour moi que pour elle ; car, vous le savez, une femme qu’on perd c’est du bonheur qu’on gagne.

– Si bien que, dans ce que vous faites, c’est l’amour du prochain qui vous inspire.