Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/413

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gymnastique militaire, la Déroute avait si bien mesuré son élan, qu’il était tombé sur le gazon comme un écureuil. En deux bonds il fut auprès des prisonnières.

– C’est une affaire manquée, leur dit-il ; rentrez bien vite.

– Jacques ? Cornélius ? dirent à la fois Suzanne et Claudine.

– Ils sont sauvés, songez à vous.

La Déroute entraîna les deux femmes ; le silence était profond, mais les chiens grondaient en agitant leurs chaînes.

– Le souper est fini, murmura la Déroute ; rentrez en cage, mes oiseaux, c’est à recommencer.

Claudine se soutenait à peine ; elle puisait son courage dans sa gaieté, et sa gaieté s’était envolée. Suzanne roula ses bras autour de la taille de sa pauvre amie.

– Viens, ma sœur, lui dit-elle, Dieu est là-haut qui nous voit.

– Et moi je vous entends, dit la Déroute ; sur ma parole de sergent, je vous tirerai d’ici.

En quittant les deux femmes, il courut vers les chiens. Claudine cogna contre la porte, la tourière ouvrit, et la même ruse qui avait protégé la sortie de Suzanne protégea sa rentrée. L’office du soir finissait à peine, les sons de l’orgue remplissaient les corridors de longs murmures, et l’on voyait les religieuses passer dans l’ombre les mains jointes sur le voile blanc. Un quart d’heure avait suffi pour ruiner leurs espérances ; quand Suzanne et Claudine tombèrent à genoux devant l’image du Christ, les aboiements sonores de Castor et de Pollux retentissaient dans le parc. Tandis que la Déroute s’empressait de faire disparaître toute trace d’évasion et de réveiller le père Jérôme pour effacer tout soupçon de complicité en cas d’événement, Bouletord et Grippard furetaient le long du mur, l’un jurant, l’autre raisonnant.

– Sangdieu ! il faut qu’il soit sorcier ! exclamait