Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/418

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tomba sans pousser un seul cri. La lame tout entière avait disparu dans la plaie. Au même instant on entendit l’imprécation de Grippard et le bruit de la course de la Déroute. Belle-Rose et Cornélius se jetèrent dans le coin sombre d’où l’homme s’était élancé et attendirent le pistolet au poing. La Déroute monta sur un arbre à dix pas d’eux et franchit le mur d’un bond. Belle-Rose grimpa comme le sergent et fut suivi de Cornélius. Au bout d’un instant, Bouletord et Grippard survinrent. Du milieu des branches où ils étaient blottis, ils entendirent l’exclamation de Bouletord à la vue du cadavre et les propos des archers à son appel. Tranquilles sur le compte de la Déroute, ils se tinrent cois ; vers minuit, la pluie commença de tomber ; la nuit était noire, la sentinelle la plus voisine se promenait à une vingtaine de pas. Belle-Rose et Cornélius descendirent de l’arbre et marchèrent doucement sur la terre détrempée.

– Qui va là ? cria-t-on tout à coup à dix pas d’eux.

Cette fois, Belle-Rose et Cornélius filèrent sans répondre.

– Qui vive ! répéta la voix ; et au même instant un coup de feu retentit.

Belle-Rose et Cornélius gagnèrent au pied.

– Frère, n’as-tu rien ? dit Cornélius.

– Au contraire, j’ai la balle dans mon manteau, répondit Belle-Rose.

La troupe de Bouletord piétinait derrière eux ; mais les ténèbres étaient si profondes qu’ils atteignirent bientôt la rue de Sèvres sans être inquiétés.

– Où me conduis-tu ? demanda Belle-Rose à Cornélius.

– Viens toujours, dit l’Irlandais qui avait son idée.

Au bout d’un quart d’heure, ils arrivèrent à la rue du Roi-de-Sicile. Cornélius heurta à l’hôtel du comte de Pomereux. L’intendant fut appelé, et à la vue de la bague de son maître, il introduisit les deux étrangers dans un appartement confortable, où, par son ordre, un souper fut servi.