Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/42

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tu avais raison de vouloir te mesurer contre ces pillards. Tu leur as payé la monnaie de ta valise !

– Ma foi, monsieur, j’ai fait ce que j’ai pu.

– Eh ! mon camarade, ceux qui courent te diront que tu as trop pu !

Le champ de bataille était encombré de morts et de blessés ; les ennemis avaient laissé trois cents des leurs par terre ; une centaine fort mal accommodés étaient restés aux mains des Français, si bien que les batteurs d’estrade avaient perdu la moitié de leur monde. Cependant les clairons sonnèrent, et les soldats dispersés de toutes parts se réunirent sous leurs guidons.

– Tu n’es pas encore enrégimenté, mon garçon, dit M. d’Assonville à Jacques, ainsi va à tes affaires. Songe que tu as perdu une valise, ne te fais pas faute d’en ramasser deux.

Comme M. d’Assonville allait rejoindre son escadron, deux grenadiers qui portaient un brancard sur lequel gisait un officier vinrent à passer près de lui.

À la vue du capitaine des chevau-légers, l’officier se souleva sur son coude.

– Monsieur le comte, dit-il, vous aviez raison, et je n’avais pas tort. Ils sont battus, mais ils m’ont tué.

– Tué ! s’écria M. d’Assonville. Ah ! j’espère, monsieur du Coudrais, que votre blessure…

– Ma blessure est mortelle, reprit le vieil officier. Un coup de feu m’a traversé le corps. Ma prudence m’est expliquée, à présent : c’était un pressentiment. Au revoir, capitaine !

M. du Coudrais laissa tomber sa tête, où flottaient les ombres du trépas, et les soldats passèrent. Jacques avait le cœur serré. Après l’éclat et les transports de la victoire, il venait d’assister au deuil d’une agonie. Il prit dans la direction de la rivière, la tête penchée et l’esprit malade. Combien déjà la paix de la maisonnette était loin ! Il n’avait pas fallu deux journées pour que Jacques eût tué quatre ou cinq hommes et qu’il en eût blessé sept