Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/436

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

M. de Charny, qui, replet et pesant, fatiguait sa monture ; les laquais, en bon ordre, couraient entre eux deux. On n’entendait plus le galop de Bouletord et de ses gens, et l’on ne voyait plus le capitaine Bréguiboul. À quelques centaines de pas d’Ennery, la Déroute, en mesurant de l’œil la distance qui séparait encore Belle-Rose de M. de Pomereux, qu’il avait reconnu, comprit qu’il était temps de prendre un parti décisif. Il s’élança vers le capitaine, et lui montra du doigt le cavalier qui approchait avec la rapidité de la foudre.

– Il y a quatre hommes derrière lui, dit-il.

Belle-Rose se pencha vers Cornélius.

– Je vous confie Suzanne, murmura-t-il à son oreille.

– J’allais vous confier Claudine, répondit l’Irlandais.

– Sauvez-vous ! sauvez-vous ! et laissez-nous ! leur dirent les deux femmes d’une voix suppliante.

– La main aux pistolets ! s’écria la Déroute, les voici !

Le sergent, qui avait l’œil sur la route pendant ce débat, tira tout de suite ; mais le coup, mal ajusté, fit sauter seulement le chapeau du comte, qui, passant devant lui comme un boulet, tomba l’épée haute sur Belle-Rose. Mais à peine les deux fers se furent-ils croisés, que M. de Pomereux reconnut l’étranger de Douvres.

– Morbleu ! s’écria-t-il, je vous dois la vie ! et il abaissa la pointe de son épée.

Belle-Rose poussa droit sur lui.

– Oubliez-le et finissons-en ! s’écria-t-il.

M. de Pomereux laissa pendre son épée et salua de la main.

– À ma place, monsieur, vous n’en feriez rien, reprit-il ; de grâce, permettez-moi donc de vous imiter en quelque chose. J’ai d’ailleurs ma revanche à prendre, et je la veux tout entière.

Le comte parlait avec une dignité qui frappa Belle-Rose ; à son tour le capitaine tourna la pointe de son épée vers la terre.