Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/48

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– En attendant qu’il y consente, que me conseillez-vous ?

– C’est ce que nous allons décider ensemble. Vide cette bouteille de vieux vin de Bourgogne. Le vin porte conseil ; il montre faciles les choses les plus extravagantes, et il n’y a guère que celles-là qui vaillent la peine d’être tentées. Quand on veut devenir capitaine, il faut songer à devenir général.

– Général ! s’écria Jacques tout étourdi.

– Certes, si j’étais assez fou pour goûter à l’amour, je me risquerais aux princesses du sang.

– Eh bien, pour commencer, si vous m’incorporiez aux chevau-légers ? qu’en dites-vous ?

– Eh ! l’uniforme est joli ! Si tu as grand soin d’éviter la mitraille, les balles, les boulets, les grenades et autres projectiles fâcheux ; si tu n’es ni tué, ni amputé, si tu te conduis toujours vaillamment ; si tu ne te fais jamais punir ; si tu te signales par quelque action d’éclat, et si le bonheur te sourit, tu peux compter sur les galons de maréchal des logis à quarante-huit ans. Il ne faudrait pas cependant qu’un lieutenant s’avisât de te regarder de travers, parce que tu aurais manqué de le saluer à propos, auquel cas tu courrais le risque de rester brigadier jusqu’à la soixantaine.

Jacques laissa tomber son verre.

– Ce n’est ni toi ni moi qui avons fait le monde comme il est, et ce n’est pas ta faute si ton père n’était pas chevalier tout au moins. Un père prudent, au temps où nous sommes, devrait toujours naître comte ou baron.

– Monsieur, je cours à Paris tout de ce pas, s’écria Jacques effaré.

– À Paris ! eh ! eh ! c’est une ville aimable aux jeunes gens riches et de bonne mine ; mais quand on n’a que de la bonne mine, il faut bien prendre garde d’entrer au cabaret. Les gentilshommes en sortent gris, les pauvres diables en sortent racolés. Paris est un endroit où les plaisirs abondent ; seulement ils coûtent très cher, surtout